par I. Ambregna - Avril 2023
Still Lifes
Une esthétique de l'éphémère
Semblables au clair-obscur de la peinture flamande du XVIIe siècle, les photographies de Nicole Richard évoquent le point d'orgue, cet instant musical suspendu, synonyme de prolongation.
Ses portraits de mimosa, pivoines, grenade, fenouil et chou vert créent un face-à-face inattendu : l'objet végétal nous apparaît sous un autre jour et dans toute son intimité. Force et fragilité. Clair-obscur. Dualité où s'opère la beauté (éphémère) du vivant.
Pour trouver ses sujets, Nicole Richard arpente les marchés à la recherche de légumes « bruts, non formatés » dont elle tire le portrait, chez elle, à la lumière naturelle – celle du matin, latérale… Ce n'est pas seulement une lumière, « c'est une texture », vous dira celle qui met en scène le fruit, la fleur, le légume sur sa vieille table de tailleur en noyer, parfois avec une caisse marine, une lampe à huile, des tissus anciens. Et, avec son iPhone, capte ce moment hors du temps...
Il y a dans ses photographies, en contrepoint de l'équilibre, de la maîtrise parfaite de la composition et du contraste, un point de bascule : c'est là où les pétales déclinent, là où les tiges se courbent... C'est dans cet interstice que Nicole Richard dépose son regard et de l'émotion.
Un parcours d'autodidacte
Tout comme le végétal, la photographie est longtemps restée son jardin secret. De son enfance à Grenoble, Nicole Richard se souvient de ses dimanches en montagne avec son père féru de botanique. Au-delà des noms des plantes, c'est au respect du végétal qu'il l'initie en l'invitant « à regarder, à s'attarder sur chaque instant ». La petite phrase fait son chemin… Nicole Richard aussi.
Formatrice en informatique puis responsable PAO durant 30 ans, elle rejoint Paris puis Rennes et, entre deux fichiers, s'envole en Asie, sa destination de prédilection. Avec ses appareils reflex Canon argentique puis, numérique, elle immortalise les marchés foisonnants de fruits et d'épices : ses images sont alors exposées dans plusieurs festivals photos en Bretagne.
Amoureuse des saveurs et du vivant, Nicole décroche un CAP de cuisine (par pur plaisir) et, de retour à Grenoble, sa passion pour le Japon l'amène à devenir saké-sommelier. Pendant le confinement – rythme et mouvement à l'arrêt, vie comme suspendue –, elle renoue avec ses premières amours, laissant son regard s'attarder sur le végétal. Ses premières Still Lifes sont postées discrètement sur son compte Instagram.
Des signes de vie désormais exposés en grand format.